On vante les effets
de l’exercice depuis déjà plusieurs années, et ce, avec raison.
L’exercice et un mode de vie actif ajoutent des années à notre vie et,
surtout, de la vie à nos années.
Par contre, pour toute bonne chose, « trop, c’est comme pas assez ! »,
comme dirait l’autre. En effet, certaines personnes peuvent devenir
obsédées par leur condition physique, leur poids corporel ou leurs
performances. L’exercice devient alors une « compulsion » chez ces
adeptes qui ne peuvent résister au besoin de s’entraîner sans ressentir
de l’angoisse ou, du moins, une forte culpabilité. Elles ne peuvent
alors pratiquement plus interrompre leur entraînement, même une seule
journée !
Les psychologues qui œuvrent dans les milieux sportifs connaissent bien
ce problème : le « trouble obsessionnel compulsif lié à l’exercice ».
Cette affection est mieux connue depuis 1976, alors que le Dr William
Glasser avait réalisé une étude sur les coureurs de longues distances ;
Il avait en effet remarqué que certains d'entre eux avaient adopté un
véritable comportement de dépendance vis-à-vis la course à pied.
Les effets euphorisant de l’exercice
Il est de plus en plus accepté dans la communauté scientifique que
l’organisme humain produirait plus d’endorphines (neuromédiateurs du
système nerveux central, inhibiteurs des messages douloureux aux
propriétés euphorisantes) lors d’un entraînement vigoureux (Scheef
& coll, 2012). Un des «
plaisirs » qui y sont liés serait donc l’euphorie ressentie pendant et
après une séance d’exercices, et cette sensation plaisante serait due à
une production accrue d’endorphines.
Figure 1 : Niveau de
béta-endorphine avant et après une marche, comparé au niveau
détecté avant et après une session de course à pied (scheef,
2012).
De plus, les résultats
préliminaires de recherches présentement en cours semblent indiquer que
la sérotonine (un autre neurotransmetteur du système nerveux central)
serait sécrétée en quantité plus grande lors d'un entraînement et aurait
un effet euphorisant. Plusieurs adeptes qui présentent des signes de
troubles obsessionnels compulsifs liés à l’exercice recherchent cet
effet « intrinsèque » et immédiat de l’exercice.
D’autres personnes recherchent les effets à moyen et long terme de
l'exercice comme, par exemple, le contrôle du poids corporel ou la
maximisation des performances physiques. La perte de poids et (ou) le
maintien de celui-ci serait un renforcement puissant pour plusieurs de
ces accros de l’exercice. En fait, plusieurs spécialistes s'accordent
sur le fait que le trouble obsessionnel compulsif lié à l’exercice
serait très souvent associé à des comportements de type anorexique.
Enfin, certains individus sont obsédées par la performance. La recherche
des performances maximales n’est pas mauvaise en soi, à la condition de
comprendre que le sommet de la forme physique ne peut être atteint
qu’une ou deux fois par année, pendant une période de deux semaines
environ. Malheureusement, de nombreux sportifs essaient d’être au sommet
douze mois par année, et leur vie est alors caractérisée par une myriade
de blessures liées à leur activité.
Il est important de comprendre que rechercher les effets euphorisant de
l’exercice, s’en servir pour contrôler son poids ou pour atteindre des
performances n’est pas malsain, mais lorsque le programme d’entraînement
nuit aux autres sphères d’activité ou à notre propre santé physique et
psychologique, il importe de prendre la situation au sérieux.
Les signes
Les trois caractéristiques d’un trouble obsessionnel compulsif lié à
l’exercice sont : la dépendance, la tolérance et le comportement de
retrait social.
Les adeptes qui deviennent dépendants de l’exercice ressentent un
profond malaise (culpabilité, angoisse, honte) s’ils manquent une séance
d’entraînement. L’état de confort (c'est-à-dire l’absence de culpabilité,
de honte ou d’angoisse) dépend de l’exécution du comportement dit «
compulsif », c'est-à-dire l’exercice.
Ceux-ci ont la perception qu’ils doivent toujours augmenter la dose (surtout
en fréquence et en durée des sessions) de façon déraisonnable pour
obtenir les mêmes résultats (tolérance). Ceci résulte en une
augmentation toujours grandissante du temps consacré à l’entraînement,
et celui-ci commence à empiéter sur l’espace de vie habituellement
consacré à la famille, aux amis et, même, au travail (retrait social).
Le retrait social est le marqueur le plus important du trouble
obsessionnel compulsif lié à l’exercice parce que c’est la
caractéristique qui sonne définitivement l’alarme.
A partir de ce moment on observe souvent une augmentation des blessures
de surentraînement (tendinites, bursites, douleurs chroniques) et
l’apparition d’une fatigue généralisée qui peut même se dégrader jusqu’à
un affaiblissement du système immunitaire.
Finalement, même la personnalité de l’individu accro de l’exercice va
changer, surtout lorsque celui-ci sera obligé d'annuler une ou deux
séances d'entraînement à cause d’une blessure ou d’autres événements
incontrôlables; les sentiments de culpabilité et de frustration
engendreront alors des comportements que l’on pourrait qualifier
d’asociaux : agressivité, isolement, etc.
La solution
Le trouble obsessionnel compulsif lié à l’exercice est plus répandu
qu’on ne le pense et lorsque que celui-ci nuit franchement à la vie de
celui ou celle qui en souffre, il est alors recommandé de consulter en
psychologie, surtout si le trouble s’accompagne d’autres problèmes,
comme des comportements de restriction alimentaire exagérée par exemple.
Il ne s’agit pas d’arrêter totalement l’entraînement, mais la règle d’or
en traitement du trouble obsessionnel compulsif lié à l’exercice est la
suivante : Le dosage doit temporairement être réglé par une professionnelle
de l’activité physique (kinésiologue ou éducatrice physique) et ce programme doit
être suivi à la lettre jusqu’à ce que le comportement déviant soit
maîtrisé; une fois cette condition remplie, l’adepte peut reprendre
progressivement les rênes de son entraînement.
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