Réadaptation au travail: 

après la kinésiophobie, l'ergophobie !

 

Philippe de Passillé

 
 

Le déconditionnement physique causé par la crainte et l’évitement du mouvement est un phénomène de mieux en mieux documenté dans le milieu de la réadaptation en contexte de douleur chronique. Généralement, une intervention bien dosée d’éducation, de réactivation et de désensibilisation progressive donne des résultats significatifs : la personne reprend avec une certaine confiance un niveau d’activités physiques permettant de sortir du cercle vicieux de la maladie.

Mais qu’en est-il de la reprise du travail ?

L’objectif du retour au travail demeure, dans certains cas, bien plus complexe en termes de défi thérapeutique. Pourquoi avons-nous l’impression que certains travailleurs dont la condition physique a bénéficié de progrès nettement suffisants ne se sentiront jamais prêts, confiants ou favorables à la reprise progressive de leur emploi pré-lésionel ?
Face à l’ergophobie, que l’on peut définir comme l’appréhension ou la crainte du travail, l’intervenant est donc souvent amené à devoir sortir des sentiers battus pour explorer bien au-delà de la barrière physique de l’individu. L’intervenant doit alors trouver une façon d’identifier et de comprendre les perceptions du travailleur, ses raisonnements et, surtout, il doit être en mesure d’établir le lien causal avec les comportements conscients et, parfois même, inconscients de celui-ci.

Le présent article n’ayant pas la prétention d’énumérer tous les facteurs sous-jacents à l’ergophobie, en voici toutefois quelques exemples fréquemment observés :

  • Perception que le travail est malsain pour la santé.

  • Perception d’un manque de reconnaissance du milieu de travail face à la lésion et à ses conséquences.

  • Perception d’un manque de reconnaissance de la part de l’employeur (souvent exacerbée par le processus médico-légal de contestation).

  • Perte de confiance en ses capacités.

  • Attentes d’efficacité personnelle trop élevées ou irréalistes.

  • Sentiment de gêne ou de honte face aux collègues de travail.

  • Crainte d’être un poids pour les collègues.

  • Sentiment d’avoir été oublié ou remplacé.

  • Compétition entre les employés.

  • Conflits / insatisfactions au travail.

  • Craintes de perdre le nouvel équilibre ou la qualité de vie récemment acquis.

  • Besoin de réparation des pertes subies non comblé (conflit psychique).

Dans les cas où l’accident de travail fut traumatisant, l’aspect phobique prend parfois des proportions pathologiques (syndrome de stress post-traumatique), nécessitant alors une intervention psychothérapeutique de désensibilisation systématique. Parfois, l’accident de travail devient le catalyseur d’un moment de remise en question existentielle sur le plan des aspirations professionnelles. Le travailleur désirant être réorienté sans justification liée aux conséquences directes de l’événement accidentel devra alors être confronté à sa responsabilité d’assumer ses choix de vie.

 

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