Lors du
28e congrès scientifique de la Société canadienne de
gériatrie (2008), les participants ont pu assister à une très
intéressante conférence du médecin français Patrick Dehail de
l'Université de Bordeaux, qui portait sur la sarcopénie.
Celui-ci a d'abord défini la sarcopénie comme étant une perte de la
masse musculaire liée à une augmentation de la masse grasse (figure 1).
Ce phénomène est associé au vieillissement. En effet, de 10 % à 24 % de
la population âgée de 65 à 70 ans en est affectée, cette prévalence
grimpant à 30 % après 80 ans. Cet état contribue à une augmentation de
l'incapacité fonctionnelle dans les activités de la vie quotidienne, à
la hausse des risques de chute, du syndrome de fragilité et de l'état de
dépendance.
Figure 1 :
comparaison entre une coupe transversale d'un groupement musculaire
normal à gauche et un groupement musculaire sarcopénique à droite. A
noter l'infiltrat de cellules adipeuses dans ce dernier.
Causes et conséquences
La sarcopénie découle d'une réduction et d'une atrophie des fibres
musculaires de type II, tandis que les fibres de type I ne sont à peu
près pas touchées. La diminution de 25 à 50 % du nombre de motoneurones
alpha de grande taille (qui innervent les fibres de type II),
l'inactivité physique et une diminution de la synthèse protéique
musculaire combinée à une augmentation de la protéolyse sont les causes
de cette dégénérescence des fibres de type II.
Le
phénomène commence relativement tôt mais demeure non significatif sur le
plan clinique jusqu'à 50 ou 60 ans. A partir de la cinquième décade, les
mouvements en puissance seront évidemment affectés en premier
(importants en situation de déséquilibre), alors que les gestes
sollicitant la force musculaire maximale (soulèvement d'une chaise, par
exemple) le seront plus tard.
Lien avec le diabète de type 2
Le
métabolisme protéique est d'autant plus perturbé que celui-ci est régulé
par l'insuline. Dans une autre conférence, le Dr José Morais de
l'Université McGill expliquait que chez les individus à jeun, l'insuline
réduit la dégradation des protéines musculaires, alors qu'après un
repas, elle stimule leur synthèse. On peut donc facilement comprendre
que l'augmentation de la résistance à l'insuline aura aussi comme effet
une diminution de la masse musculaire. L'explosion du diabète de type 2
prévue dans les prochaines décennies aura conséquemment comme effet une
augmentation de la prévalence de la sarcopénie et de ses conséquences
fonctionnelles négatives sur les populations plus âgées.
Solutions
Le renforcement musculaire est une modalité essentielle pour palier la
sarcopénie. Une meilleure coordination intermusculaire et
intramusculaire, une diminution de la coactivation agoniste-antagoniste
et, finalement, une hypertrophie musculaire sont possibles en réponse à
un programme d'entraînement des qualités musculaires, et ce, même chez
les personnes très âgées (Fiatore
& coll., 1990,
Latham & coll.,
2004). De plus, l'utilisation de surfaces instables pour amener une
surcharge proprioceptive pourrait augmenter les gains fonctionnels.
Nutrition
Le vieillissement est associé à une réduction de l'apport calorique et
protéique, ce qui prédispose les personnes âgées à des problèmes de
malnutrition et de carence en vitamine D. Dehail a rappelé lors de sa
conférence que la vitamine D agit sur les capacités fonctionnelles du
tissu musculaire et sur la synthèse protéique. Dans une conférence
prononcée lors d'un symposium sur la santé et la nutrition le 20
novembre 2008 à Montréal, le Dr Stuart Phillips, du département de
kinésiologie de l'Université McMaster, a présenté les résultats d'une
méta analyse publiée dans l'American Journal of Clinical Nutrition en
2006 (Krieger,
2006) où les auteurs démontraient qu'une
alimentation offrant un apport protéique de 40 % plus élevé que celui
habituellement recommandé lors d'interventions de restriction calorique
était associée à une rétention additionnelle supérieure de 0,6 kg de
masse maigre. Dans un essai clinique qu'il a piloté lui-même, Stuart
Philipps rapporte qu'un programme d'exercices de musculation sur 12
semaines, combiné à l'ingestion quotidienne d'une source de protéines
animales (lait), a entraîné un gain de masse maigre supérieur à celui du
groupe musculation et boisson sportive ou à celui du groupe musculation
et boisson de soya (Hartman,
2007). Un apport supérieur en protides est donc
probablement indiqué à partir de 50 – 60 ans surtout chez les individus
de type ectomorphe.
Conclusion
Les récentes évidences scientifiques tendent à confirmer le principe que
l'entraînement des qualités musculaires est prioritaire chez les
individus qui ont passé la barre des 60 ans, dans le but de préserver la
masse musculaire et ainsi maintenir les capacités fonctionnelles chez
cette population. De plus, si l'on peut généraliser les études en
nutrition faites chez des populations d'âge moyen aux populations âgées,
l'apport protéique devrait être plus grand chez les aînés.
Source :
Geriatrics &
Aging, Volume 11, Number 10 (supplement), November-December2008, Pages
32-34.
cliquez ici
Fiatore
MA. Marks EC, Ryan ND, Meredith CN, Lipsitz LA, Evans WJ (1990).
High-intensity strength training in nonagenarians. Effects on skeletal
muscle. JAMA 1990; 263: 3029-34.
Hartman, J. (2007).
Consumption of fat-free fluid milk after resistance exercise promotes
greater lean mass accretion than does consumption of soy or carbohydrate
in young, novice, male weightlifters. American Journal of Clinical
Nutrition, Vol. 86, No. 2, 373-381,
Krieger, J. & coll.
Effects of variation in protein and carbohydrate intake on body mass and
composition during energy restriction: a meta-regression. American
Journal of Clinical Nutrition, Vol. 83, No. 2, 260-274.
Correspondance:
Yvan Campbell
Téléphone : 514-754-3475
Courriel :
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