Capsule recherche 03

Yvan Campbell

avril 2009
 

Sarcopénie, musculation et nutrition

 

Lors du 28e congrès scientifique de la Société canadienne de gériatrie (2008), les participants ont pu assister à une très intéressante conférence du médecin français Patrick Dehail de l'Université de Bordeaux, qui portait sur la sarcopénie.

Celui-ci a d'abord défini la sarcopénie comme étant une perte de la masse musculaire liée à une augmentation de la masse grasse (figure 1). Ce phénomène est associé au vieillissement. En effet, de 10 % à 24 % de la population âgée de 65 à 70 ans en est affectée, cette prévalence grimpant à 30 % après 80 ans. Cet état contribue à une augmentation de l'incapacité fonctionnelle dans les activités de la vie quotidienne, à la hausse des risques de chute, du syndrome de fragilité et de l'état de dépendance.

 



Figure
1 : comparaison entre une coupe transversale d'un groupement musculaire normal à gauche et un groupement musculaire sarcopénique à droite. A noter l'infiltrat de cellules adipeuses dans ce dernier.

 

Causes et conséquences

La sarcopénie découle d'une réduction et d'une atrophie des fibres musculaires de type II, tandis que les fibres de type I ne sont à peu près pas touchées. La diminution de 25 à 50 % du nombre de motoneurones alpha de grande taille (qui innervent les fibres de type II), l'inactivité physique et une diminution de la synthèse protéique musculaire combinée à une augmentation de la protéolyse sont les causes de cette dégénérescence des fibres de type II.

Le phénomène commence relativement tôt mais demeure non significatif sur le plan clinique jusqu'à 50 ou 60 ans. A partir de la cinquième décade, les mouvements en puissance seront évidemment affectés en premier (importants en situation de déséquilibre), alors que les gestes sollicitant la force musculaire maximale (soulèvement d'une chaise, par exemple) le seront plus tard.

Lien avec le diabète de type 2

Le métabolisme protéique est d'autant plus perturbé que celui-ci est régulé par l'insuline. Dans une autre conférence, le Dr José Morais de l'Université McGill expliquait que chez les individus à jeun, l'insuline réduit la dégradation des protéines musculaires, alors qu'après un repas, elle stimule leur synthèse. On peut donc facilement comprendre que l'augmentation de la résistance à l'insuline aura aussi comme effet une diminution de la masse musculaire. L'explosion du diabète de type 2 prévue dans les prochaines décennies aura conséquemment comme effet une augmentation de la prévalence de la sarcopénie et de ses conséquences fonctionnelles négatives sur les populations plus âgées.

Solutions

Le renforcement musculaire est une modalité essentielle pour palier la sarcopénie. Une meilleure coordination intermusculaire et intramusculaire, une diminution de la coactivation agoniste-antagoniste et, finalement, une hypertrophie musculaire sont possibles en réponse à un programme d'entraînement des qualités musculaires, et ce, même chez les personnes très âgées (Fiatore & coll., 1990, Latham & coll., 2004). De plus, l'utilisation de surfaces instables pour amener une surcharge proprioceptive pourrait augmenter les gains fonctionnels.

Nutrition

Le vieillissement est associé à une réduction de l'apport calorique et protéique, ce qui prédispose les personnes âgées à des problèmes de malnutrition et de carence en vitamine D. Dehail a rappelé lors de sa conférence que la vitamine D agit sur les capacités fonctionnelles du tissu musculaire et sur la synthèse protéique. Dans une conférence prononcée lors d'un symposium sur la santé et la nutrition le 20 novembre 2008 à Montréal, le Dr Stuart Phillips, du département de kinésiologie de l'Université McMaster, a présenté les résultats d'une méta analyse publiée dans l'American Journal of Clinical Nutrition en 2006 (Krieger, 2006) où les auteurs démontraient qu'une alimentation offrant un apport protéique de 40 % plus élevé que celui habituellement recommandé lors d'interventions de restriction calorique était associée à une rétention additionnelle supérieure de 0,6 kg de masse maigre. Dans un essai clinique qu'il a piloté lui-même, Stuart Philipps rapporte qu'un programme d'exercices de musculation sur 12 semaines, combiné à l'ingestion quotidienne d'une source de protéines animales (lait), a entraîné un gain de masse maigre supérieur à celui du groupe musculation et boisson sportive ou à celui du groupe musculation et boisson de soya (Hartman, 2007). Un apport supérieur en protides est donc probablement indiqué à partir de 50 – 60 ans surtout chez les individus de type ectomorphe. 

Conclusion

Les récentes évidences scientifiques tendent à confirmer le principe que l'entraînement des qualités musculaires est prioritaire chez les individus qui ont passé la barre des 60 ans, dans le but de préserver la masse musculaire et ainsi maintenir les capacités fonctionnelles chez cette population. De plus, si l'on peut généraliser les études en nutrition faites chez des populations d'âge moyen aux populations âgées, l'apport protéique devrait être plus grand chez les aînés.

 

 
Source :
Geriatrics & Aging, Volume 11, Number 10 (supplement), November-December2008, Pages 32-34. cliquez ici

Fiatore MA. Marks EC, Ryan ND, Meredith CN, Lipsitz LA, Evans WJ (1990). High-intensity  strength training in nonagenarians. Effects on skeletal muscle. JAMA 1990; 263: 3029-34.

Hartman, J. (2007). Consumption of fat-free fluid milk after resistance exercise promotes greater lean mass accretion than does consumption of soy or carbohydrate in young, novice, male weightlifters. American Journal of Clinical Nutrition, Vol. 86, No. 2, 373-381,

Krieger, J. & coll. Effects of variation in protein and carbohydrate intake on body mass and composition during energy restriction: a meta-regression. American Journal of Clinical Nutrition, Vol. 83, No. 2, 260-274.

 

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